lundi 5 novembre 2012

Habitués à l'odeur de la mort!

Que cherche le nez si ce n'est du bon air à respirer? Que désire le système si ce n'est des alliés les plus dévoués?

Nous voici devenus, dans notre doute profond et paralysant, les alliés les plus solides de nos dominateurs en demandant au devoir sacré de la libération du temps. Prétendant le vide dans lequel nous tomberions si nous osons la Rupture, alléguant faussement l'absence de leadership et de stratégie en notre sein, rusant avec nos propres malheurs que nous faisons semblant de ne pas voir dans leur gravité, nous complaisant dans la dispersion et dans les petites guerres de "chefions" sans sceptres, de généraux sans bataillons, ravis de nos petites identités coloniales nationales et ethniques, nous contentant de l'idée selon laquelle une vie misérable vaut mieux que la mort, et gérant scrupuleusement les miettes qui tombent de la table des maîtres en attendant des jours meilleurs, nous voici réduits à nous accrocher au temps. Du temps? C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que des esclaves dans les fers, demandent du temps pour prendre leurs responsabilités. Le poids de leurs fers n'est donc pas si lourd. Normalement, ce sont les tenants du système qui postulent le temps et qui demandent de ne pas bousculer les traditions, et qui sèment profondément la fumeuse stratégie d'aller molo-molo et qui véhiculent le sophisme selon lequel avec le temps, les réformes vont arriver. Mais là, les tenants du système n'ont même plus besoin de le faire, les esclaves veillent à tout ceci à leur place. Redisons avec Thomas Sankara que les esclaves qui n'est pas prêt LE JOUR MÊME où il est tombé en servitude de s'assumer ne mérite pas effectivement que l'on s'apitoie sur son sort.

Dans les hallucinations collectives constatées ici ou là, nous sommes devenus un masse noire de Grands diseurs, petits faiseurs! Vous trouverez des milliers de fanatisés, de masturbateurs chevronnés, de débateurs plats, de mobilisés et même de convaincus pour un sujet sur la religion et autres sophismes socio-historiques. Des milliers de Noirs à brocarder sur tel ou tel acte immoral d'un Noir qui aurait trahi par tel ou tel geste nos codes ou la cosmogonie africaine. Des milliers de Noirs à gloser à longueur de journées sur l'Egypte pharaonique déchue. Des millions d'artisans cherchant à coup de verbes pompeux à élaborer une citoyenneté mondiale: "citoyens du monde", "mondialisés", "africains transnationaux", etc...Vous en trouverez bien moins voire vous n'en trouverez point pour un sujet réel qui demande de prendre nos responsabilités pour venir en aide à notre peuple, que ce soit ici ou là-bas. Des enfants d'Afrique en Ayiti, à Cuba, aux USA (dans une moindre mesure) sont sous les ravages de l'Ouragan Sandy; nous regardons ailleurs. Nous sommes devenus une masse dispersée et désorganisée, habituée à l'odeur de la mort. Tellement habitués à l'odeur du cadavre, de notre propre cadavre, habitués aux fers, habitués à la douleur, rien ne nous impressionne plus trop, en somme. Plus d'un millénaire de traite arabe-musulman subi, certes à une échelle minime par rapport aux razzias négrières industrielles transatlantiques durant quatre siècles suivies de la colonisation dans laquelle l'Afrique se trouve toujours. Il y a donc de quoi être insensibles à la douleur, surtout si, par la religion la masse est orientée dans sa dispersion vers les cieux paradisiaques dont l'accès serait conditionné à la misère dans toute sa splendeur sur et, par l'école coloniale, cette masse est enfermée dans des connaissances proportionnées - pour reprendre un terme utilisé par les coloniaux - à ce qui est attendu des indigènes dans le leurre d'une réussite individuelle. Comme le dit le proverbe africain, "On ne peut plus avoir honte de sa nudité lorsque l'on est une fois tombé en plein marché."

A la vérité, lorsque les Noirs s'organiseront et prendront le devant pour affronter leurs problèmes internes, ils auront pris la décision d'amoindrir l'aura et l'image des autres qui se présentent comme des Bons Samaritains au secours du Noir miséreux et assoiffé, profitent de cette posture pour faire passer aussi bien leurs intérêts que leurs idées (religion surtout) et gagner auprès des masses noires des titres qui deviennent indéboulonnables, parce que solidement fixés par des dons empoisonnés et de "petits gestes" au moment des peines en face desquelles leur propre peuple aurait brillé par son absence. Aussi, ne pourront-ils plus se plaindre de la puissance des autres qui les infantilisent et s'immiscent dans leurs affaires. 

Komla KPOGLI

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