vendredi 27 juillet 2012

La France ce pays qui ne joue plus grand rôle en Afrique.


Hollande et Alassane Ouattara, 26 juillet 2012

Les nationalistes et autres patriotes français, rejoints par des africains naïfs ou intéressés par des miettes dont ils raffolent, clament à longueur de journées que la France ne joue plus aucun rôle en Afrique depuis l’accélération de la mondialisation. La France aurait perdu toute influence politique voire économique en Afrique, supplantée par la Chine, les autres pays dits émergeants mais aussi les Etats Unis d’Amérique qui confirment au jour le jour leur assise, nous dit-on. Outre des élus français qui réfutent violemment la continuité française en Afrique, de simples citoyens se disant lassés d’entendre des « accusations gratuites » contre la France se positionnent et déplacent les responsabilités. Les élites intellectuelles et médiatiques ne sont pas en reste. Ainsi, de Pierre Péan à Antoine Glaser en passant par les petits sicaires de RFI, de France 24, de Le Monde… et des spécialistes autoproclamés de l’Afrique sévissant ici ou là, la France ne pèserait plus rien dans les territoires africains où, par pure compassion, elle n’aura gardé qu’une présence humanitaire. Avec l’avènement de François Hollande à l’Elysée et son attitude calme, plutôt froide contrairement à l’agitation de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, ils sont très nombreux ces africains à voir là une rupture et un changement.

Or les faits disent justement le contraire de tout ce que nous venons de mentionner. On a vu Sarkozy tout au long des cinq années qu'il aura passées à l’Elysée recevoir quasiment tous les préfets africains. Un président français élu se rend en Allemagne, un pays européen où avec son homologue ils passent en revue les dossiers européens ou communs montrant ainsi qu’ils travaillent pour eux-mêmes. Les guignols africains eux, démontrant que Paris étant le centre du pouvoir africain, se rendent à Paris alors même que dans leurs territoires les citoyens ne connaissent même pas encore leur visage. Ainsi à peine « élu » au Sénégal vers la fin du mandat de Sarkozy, Macky Sall courait à Paris pour se faire adouber. Fait encore plus révélateur que Paris demeure maître en Afrique, Alassane Ouattara, le proconsul du territoire de Côte d’Ivoire a été reçu par Sarkozy le 07 mai 2012, le lendemain même de sa défaite à l’élection présidentielle. Un satrape africain aura été ainsi un des derniers dirigeants du monde à rencontrer le président français sur le départ, rejeté qu’il était par le suffrage. N’est-ce pas là une preuve de l’importance que revêt l’Afrique ?

Hollande et Macky Sall, 06 juillet 2012

Le successeur de Sarkozy n’a pas dérogé à la règle qui veut que la France soit « une puissance africaine » depuis les temps de la colonisation directe. Ayant pris ses fonctions seulement le 15 mai 2012, François Hollande a déjà reçu dans son palais, 06 préfets africains. En 02 mois de présidence, Yayi Boni du Bénin, Mahamadou Issoufou du Niger, Alpha Condé de la Guinée, Macky Sall (encore lui !) du Sénégal, Ali Bongo du Gabon, l’incontournable Gabon grand financier des campagnes présidentielles françaises, territoire qui accueillait le futur ministre des affaires étrangères Laurent Fabius de Hollande quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle de 2012, et Alassane Ouattara ce 26 juillet 2012. Si on ajoute à cette liste, la réception du Roi du Maroc, Mohamed VI et celle de Moncef Marzouki de la Tunisie, le continent africain montre le visage triste du seul endroit de la planète où la France reste incontournable. Son influence demeure terrible au point où chacun des guignols se bousculent au portillon de l’Elysée pour avoir « l’imposition des mains » par son locataire de quelle que obédience qu’il soit. Cette imposition des mains élyséenne est le baptême ou l’acte confirmatoire par lequel lesdits guignols reçoivent la bénédiction pour accomplir leur tâche dans les colonies et par lequel ils sont assurés de bénéficier de tout le soutien nécessaire tant qu’ils ne sont pas tentés par une rébellion d’enfants gâtés contre leur tuteur.

Hollande et Alpha Condé, 02 juillet 2012


Par ce défilé des petites têtes couronnées africaines à Paris, l’Afrique fait mieux que l’Europe même où se trouve la France. Elle offre la preuve qu’elle est une terre française et que la France, véritablement demeure une « puissance africaine ». On a peu vu des dirigeants européens se présenter à l’Elysée ces deux derniers mois. Pour un pays qu’on nous présente comme ne jouant plus grand rôle en Afrique, c’est dur de café de voir cette bousculade au portillon de sa présidence. Pour une rupture, c’en est une, vraiment !

Hollande et Ali Bongo, 05 juillet 2012

Mais Hollande est un fin joueur. En recevant premièrement Yayi Boni et Mahamadou Issoufou, Alpha Condé et Macky Sall sur fond de la suppression de la cellule africaine à l’Elysée et de la refonte du ministère de la coopération annoncées urbi et orbi, Hollande entend vendre l’image d’une présidence française nouvelle qui traite avec des dirigeants africains moins répressifs et jouissant d’une relative tranquillité dans leur territoire respectif. Cette tactique, toutefois, fut très vite rattrapée par la réalité avec la réception d’Ali Bongo probablement pour sa contribution à la conquête du pouvoir par Hollande. La visite rendue par Fabius à Bongo en pleine campagne électorale en février 2012 démontre qu’il s’est passé quelque chose entre les deux pôles. Car, Ali Bongo, publiquement reconnu par des officiels français comme non-élu dans un documentaire diffusé sur France 2, la chaîne publique française a été quand même reçu et ceci malgré la protestation de quelques organisations et de quelques « opposants ». Même si François Hollande n’a pas fait de conférence de presse avec Bongo, se dérobant ainsi d’une éventuelle question surprise venant d’un journaliste français impertinent à l’occasion, il n’en demeure pas moins vrai que Ali Bongo fut reçu à l’Elysée au grand dam de certains enthousiastes du "Le Changement c'est maintenant".

L’autre réalité qui rattrape la tactique hollandienne amorcée, c’est la réception d’Alassane Ouattara de la satrapie de Côte d’Ivoire ce 26 juillet 2012 à l’Elysée, sanctuaire connu pour les tyrans africains obséquieux. L’homme qui a replongé le territoire de Côte d’Ivoire dans le bain françafricain en refermant de façon violente la parenthèse Laurent Gbagbo à coups de bombardements français à l’appui, avec cette seconde réception au palais en l’espace de 3 mois, montre que la Côte d’Ivoire française des temps de Houphouët Boigny est de retour. L’ancien ministre de la défense, Gérard Longuet voyant parfaitement cela n’affirmait-il pas devant l’Association des journalistes de défense (AJD), le mercredi 16 novembre 2011 à propos du redéploiement du dispositif militaire français en Afrique: « On aurait choisi Port-Bouët, en Côte d’Ivoire si Ouattara avait été en place plus tôt » ?

Hollande et Mohamed VI, 24 mai 2012

Somme toute, le ballet des contremaîtres africains à Paris rappelle étrangement celui fit par « les soleils des indépendance » au lendemain de la proclamation des indépendances fictives accordées ou reprises en main à la suite des assassinats pour rencontrer le général De Gaulle. On vit défiler tous ces « dirigeants » de « l’Afrique indépendante » à l’Elysée où « Mon Général » leur offrait des « toasts » à l’issue desquels, sourire aux lèvres, ils étaient invités à lever leur verre et à boire au nom de l’indépendance et son
corolaire de « l’Amitié franco-africaine ». On célébra alors la rupture avec la confirmation du franc CFA, le maintien ou la signature des accords de coopération militaire et le renforcement de « l’aide française » à cette « Afrique indépendante ». Il en est ainsi dans les années 90 avec, cette fois-ci, LA Rupture sous Mitterrand car le « vent de l’Est » soufflait et ce vent apportait, aux dires de « l’élite indigène » collaboratrice coloniale, une « ère de démocratie ». Pour que cette Rupture fût, rien de moins qu’un « grand discours » devant leurs « excellences » africaines à Baule dont les lendemains s’étaient traduits par un ballet à l’Elysée des mêmes à qui le « Président de la République », semble –t-il, intimait l’ordre de réformer. De l’ère de Jacques Chirac « l’avocat de l’Afrique » comme il aimait s’appeler, n’en parlons pas. Les satrapes africains n’avaient autant été accueillis sous les « ors de la République » avec émotion. Chirac l’Africain savait transborder et retourner à ses visiteurs noirs « l’accueil authentiquement africain », formule consacrée dans les satrapies africaines. Sarkozy, préparant la conquête s’était senti obligé de promettre LA RUPTURE de la rupture, cette fois-ci, ce sera LA RU-RUPTURE, (ne rions pas !). En 2006, dans un discours à Cotonou, puis dans un autre à Bamako, Nicolas Sarkozy ira jusqu’à dire que « la France n’a pas besoin de l’Afrique ». On aurait donc attendu que la France sous Sarkozy se débarrasse d’une Afrique qui n’est qu’un poids pour cette France. Finalement, pour des raisons humanitaires, oui, pour des raisons humanitaires et nulle autre, Sarkozy ne s’en est pas débarrassé. Qui vous a dit que « l’humanitaire » n’est pas bénéfique ? Surtout s’il se traduit par un accès aux matières premières quasi-gratuitement, le franc CFA mettant sous tutelle française les économies africaines, la francophonie, les bases militaires françaises et des guerres de reconquête ici ou là ?

François Hollande, rusé qu’il était dans sa conquête du pouvoir, promettait le changement face à un adversaire plus dru, plus direct et tutoyant la vulgarité. Au point 58 de ses 60 engagements, Hollande écrit, en ce qui concerne l’Afrique, « Je romprai avec la « Françafrique », en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité… ». Cette proposition n’est pas une nouveauté. Au contraire, elle est dans la droite ligne de la rupture de ses prédécesseurs depuis de Gaulle. C’est cette rupture que nous voyons avec le tapis rouge déroulé aux préfets africains à Paris.

Hollande et Mahamadou Issoufou, 11 juin 2012

Certains africains, forcés qu'ils sont,  voudraient bien croire en leurs rêves et en leurs espérances illusoires qu’ils espèrent voir se matérialiser par un décret que le nouveau locataire du palais présidentiel français prendrait pour sortir l’Afrique de l’orbite française. Peut-être que ces réceptions traduisent les négociations en cours (sans rire !) entre leurs « excellences » africaines et Paris pour LA RU-RU-RUPTURE. L’espoir ne fait-il pas vivre ? Il fait mieux vivre d’ailleurs quand il est illusoire !

Hollande et Moncef Marzouki, 17 juillet 2012

Concluons avec Cheikh Anta Diop : « l’esclave ne devient un acteur de l’histoire que dans la mesure où il est pleinement conscient de son aliénation et qu’il cherche activement à changer de condition. Un esclave qui n’a pas le sentiment d’avoir perdu sa liberté ne jouera aucun rôle révolutionnaire, même si le théoricien n’a aucune peine à démontrer son statut d’esclave. » Mieux, disons que les esclaves qui attendent que la toute puissance de leurs maîtres se transforme un jour en toute bonté à la suite d’un humanisme retrouvé face aux intérêts économiques qui fondent leur démarche, sont définitivement condamnés à la servitude.
Le décret de libération attendu ne viendra donc pas de Paris. Il sera de notre fait.

28 juillet 2012
Komla KPOGLI

Web. http://lajuda.blogspot.com

dimanche 22 juillet 2012

La Russie et la Chine, des protecteurs efficaces de pays ciblés par les Occidentaux?


L'assassinat le 18 juillet 2012 de Daoud Rajha, le ministre syrien de la Défense, dans un attentat-suicide perpétré contre un bâtiment des services de la sécurité nationale et le nombre élevé des officiels blessés pose la question de l'efficacité de la protection et du soutien que la Russie et la Chine apportent à la Syrie face à ses agresseurs.


Daoud Rajha, le ministre syrien de la Défense 

Si on peut assassiner des responsables de premier plan du pays aussi facilement, on doit s'inquiéter de la suite. Quand on se dit opposé aux hyènes occidentales qui chassent en meutes tout en étant très patients mais implacablement déterminés à utiliser tous les moyens possibles pour atteindre leur but, voter contre des résolutions au fameux Conseil de sécurité de l'ONU ne suffit pas. Il faut occuper effectivement le terrain, avec une vigilance d'un serpent.

Lorsque l'Occident: les Etats-Unis d'Amérique, l'Europe et leurs Etats mercenaires soutiennent leurs "amis" et leurs alliés dans un pays, ils veillent avant tout et par tous les moyens à leur intégrité physique quoi que cela coûte. Cela se comprend très aisément, car on ne traite qu'avec des alliés vivants. Tel n'est manifestement pas le cas de nos "nouveaux protecteurs".

Quand la Syrie sera tombée et transformée en une nouvelle satrapie occidentale, certains yeux commenceront par s'ouvrir et certains se demanderont s'il faut faire confiance à ces deux pays que, dans certains milieux exagérément enthousiastes, on perçoit et présente comme de nouveaux tuteurs de peuples susceptibles d'être conquis par qui on devine. Les exemples libyen et ivoirien reviendront alors sur le tapis, car ces deux pays, la Chine et la Russie, ont participé à leur destruction en jouant finement.

Komla KPOGLI

lundi 16 juillet 2012

Togo: le double piège d'une démission gouvernementale organisée.

16 juillet 2012 
Komla KPOGLI
MOLTRA
Web. http://lajuda.blogspot.com 


Gnassingbé 2 et son premier ministre démissionnaire Houngbo.

Pour celui qui ne connaît que moyennement ou pas du tout le fonctionnement du système, la démission ou le limogeage (peu importe ce qu’on veut faire dire à cet acte) de Gilbert Houngbo, le premier ministre de Faure Gnassingbé, est une victoire qui traduit une crise au « sommet de l’Etat togolais.» Quand bien même, il y aurait beaucoup à dire sur la réalité d’un Etat dans le territoire du Togo, disons simplement que cette lecture est d’un optimisme exagéré. L’optimisme en soi, lorsqu’on combat une tyrannie, n’est pas une mauvaise chose. Mais lorsqu’il ne traduit qu’une croyance infondée, un enthousiasme qui ne tient pas compte de l’effort à fournir pour atteindre l’objectif, la catastrophe n’est pas loin. Cette lecture, donc, qui veut percevoir dans cette démission une victoire, signe d’une certaine sensibilité de la part du régime franco-Gnassingbé est d’un optimisme qu’une réflexion en profondeur trahit.

C’est une chose bien connue que l’action politique, a fortiori celle dans un contexte de lutte pour la libération, est fondée sur une analyse approfondie et que quiconque veut s’inscrire dans l’action en cernant mal les données frappe toujours à côté, galvaudant ainsi l’énergie qu’il déploie. Celui qui sait analyser le problème et qui sait utiliser les moyens – violents ou pacifiques – qu’il a à sa disposition détient une longueur d’avance sur ses adversaires. Celui-ci est logiquement le maître du jeu. C’est lui qui dicte le tempo et pousse son ou ses adversaires à être dans la réaction et non à être dans l’initiative. Fort de ce principe, Faure Gnassingbé et ses services, maîtrisant parfaitement les moyens de la violence, ont manifestement analysé froidement la situation actuelle et ont décidé, après réflexion, de jouer une carte majeure en attendant les fameuses législatives de novembre prochain : démissionner ce qui est appelé le gouvernement. Là apparaît la ruse qui est le second outil dont se sert le système colonial mis à part la violence.

L’opération est présentée par le régime franco-Gnassingbé lui-même comme un acte se situant « exclusivement dans le cadre de la nouvelle dynamique que le Chef de l’Etat entend insuffler au dialogue politique. » Laquelle dynamique, selon les termes mêmes de la fameuse mise au point lue à la télévision togolaise et largement diffusée par d’autres canaux, « vise dans un souci d’ouverture et de cohésion nationale, à associer à la gestion des affaires publiques, l’ensemble des forces vives et des courants représentant la classe  politique togolaise. L’objectif poursuivi est donc de permettre à ceux qui le souhaitent d’apporter leur contribution à la construction nationale, en prenant une part active à la préparation des prochaines échéances électorales dans un climat consensuel et apaisé. »

On a tenté dans certains milieux d’expliquer le « communiqué conjoint de la présidence et de la primature » qui démentait toute divergence entre Houngbo et Gnassingbé II comme le signe même de « la panique », de « la confusion » voire de « la crise » entre le tandem dont l’un serait modéré dans le mal et l’autre radical. Il n’en est rien à bien observer les choses. En élaborant ce communiqué et en le faisant présenter à la télévision par deux individus arborant les accents dignes des bouffons du roi, le régime franco-Gnassingbé veut se donner l’image d’un gouvernement moderne qui communique et explique ses choix et décisions à ses administrés perdus par diverses interprétations journalistiques voire incantatoires qui traversent le pays. Le régime se pare ainsi du manteau d’une institution qui coupe court aux rumeurs en informant et en apportant des éclairages qui, en fait, renforcent l’obscurité dont il est le créateur.

Gnassingbé II et ses conseillers piègent, par leur manœuvre, ce qu’on appelle l’opposition au Togo. En démissionnant l’équipe Houngbo, le régime a procédé en deux temps. D’abord, il n’a pas motivé cette démission, laissant ainsi les commentateurs et autres milieux politiques contestataires se livrer à des tentatives de décodage. Chacun alla de son analyse allant de « non-événement » à « l’effet des manifestations en cours dans le pays », de l’indifférence à l’enthousiasme qui voyait la crise atteindre le sommet. Ensuite, le régime a repris la machine de propagande pour fournir une explication laconique et surtout axée sur la négation d’une divergence de vue entre ce que les communicants de circonstance à la télévision togolaise ont appelé la présidence de la République et la primature. Puis, dans un troisième temps qui est la phase décisive, le régime invite « l’ensemble de la classe politique et les acteurs de la société civile » à des consultations devant aboutir à la mise en place d’une nouvelle équipe gouvernementale - l’ancienne équipe pouvant être reconduite avec s’il le faut quelques légères retouches - dont la mission essentielle sera d’organiser les élections législatives avec des textes électoraux et un système de découpage viciés et verrouillés en amont. Tout le monde aura compris que cet appel à discuter vise d’abord les groupes contestataires de la tyrannie franco-togolaise, car les acteurs qui sont en dehors de ce cercle sont prêts à toute heure à se rendre chez celui qu’ils appellent le chef de l’Etat sans même que celui-ci les y invitent. Ces derniers sont des « dialogueurs » professionnels. Eux ne sont pas un problème. Ce ne sont pas eux la cible.

La manœuvre, probablement conseillée par les parrains de la tyrannie des Gnassingbé, est redoutable dans sa finalité. Car, elle conduit à un double piège. Entre les deux options, il n’y a pas d’alternative, quand on analyse les choses en profondeur. Choisir une voie c’est choisir le résultat inverse. Ainsi, si les « opposants » participent aux consultations et adhèrent au futur « gouvernement », ils iront juste pour voir se réaliser avec leurs mains, leur concours, un nouveau vol du suffrage sachant que le dispositif de la fraude est déjà en place avec un code électoral et un redécoupage taillés sur mesure. Dans ce cas et c’est ce qui arrivera probablement, si les « opposants » se montrent critiquent au lendemain de ce nouveau braquage du suffrage populaire, le régime, les nouveaux cooptés désignés sous le vocable d’élus et leurs alliés internationaux tenteront de décrédibiliser les critiques des « opposants » en alléguant que les élections furent organisées en leur présence, par un gouvernement auquel ils avaient pris part et que, par conséquent, décrier ces législatives organisées par un gouvernement auquel ils avaient participé est une inconséquence totale. Une campagne de décrédibilisation intensive taisant tout ce qui a été fait en amont sera entamée aussi bien à l’intérieur du territoire togolais qu’à l’extérieur, présentant cette « opposition » comme incohérente et ne sachant pas exactement ce qu’elle veut.

Dans le cas contraire, si les « opposants » refusent d’aller aux consultations et donc logiquement refusent d’entrer dans ce gouvernement qui sera, de toutes les façons, formé, on leur opposera demain l’argument selon lequel ils avaient été conviés à participer au gouvernement chargé de l’organisation du scrutin alors querellé et qu’ils avaient refusé. On leur dira que s’ils y avaient participé, les choses auraient été différentes et ils auraient pu « limiter les dégâts ». Les « opposants » seraient donc indexés comme les victimes de leur propre opposition. On ressortira du placard le précédent de la fameuse « politique de la chaise vide » pratiquée par la même « opposition » qui, par son absence à l’Assemblée nationale entre 1998-2003, aurait favorisé la modification de la Constitution par le RPT permettant ainsi à Gnassingbé 1er de s’offrir une présidence à vie. Ce nouveau refus, somme toute légitime, qui peut déboucher sur un boycott (compréhensible) de « l’opposition » aux prochaines mascarades législatives va servir de justificatif à tout ce qui va suivre au Togo, la puissance militaro-policière constamment activée.

C’est dire donc qu’à tous les coups donc, le régime franco-rptiste sort gagnant. En verrouillant le processus en amont, ce régime s’est assuré une sortie glorieuse quelque soit la position de « l’opposition » entre ces deux voies. A moins que celle-ci joue sa propre carte sur fond de sa stratégie propre, avec son agenda propre et des moyens qu’elle saura se donner. Ici se pose une nouvelle fois la question de savoir si cette « opposition » dispose de la capacité psychologique et des armes physiques pour un combat frontal, ou si elle est capable de « jouer au simple mais non au fol » ou de « s’allier au lointain pour attaquer le voisin », ou encore de conjuguer simultanément la stratégie du chaud et du froid face à un système dont Gnassingbé II et ses acolytes civilo-militaires ne sont que des tenants locaux et immédiatement visibles.

Il s’agira d’être capable de maîtriser le camp adverse, sa stratégie, ses tactiques, son mode opératoire, son commandement, ses centres de pouvoir et de décision, ses alliés objectifs et subjectifs, bref de disposer sur lui une vision globale, puis d’élaborer les outils appropriés pour directement ou indirectement (ou conjuguer les deux à la fois) contrecarrer ceux du camp d’en-face, les neutraliser, les retourner si possible et les aliéner si nécessaire. Il s’agira aussi pour « l’opposition » de se scruter, de se soumettre elle-même au scanner de la réalité, de sa réalité et des objectifs voulus, d’identifier ses forces, ses faiblesses, ses alliés, ses tactiques pour réorganiser la marche avec une répartition responsable de tâches et pour instaurer en son sein une discipline devant lui permettre de tirer un maximum du minimum dont elle dispose. Ceci suppose qu’elle mette sur pied une vraie cellule de réflexion dont la mission sera de nourrir la volonté et le courage et leur donner la puissance attendue en les orientant vers des cibles bien visées.

Cette troisième voie permettra, si elle est maîtrisée, à ce qu’on appelle l’opposition togolaise de faire échouer le double piège qui se trouve au bout de la démission organisée de l’équipe Houngbo. 

dimanche 15 juillet 2012

"Les africains doivent se débarrasser de la cargaison de proverbes et d'aphorismes philosophico-religieux qui leur permettent de justifier leurs souffrances" Komla KPOGLI

M. Komla Kpogli, Secrétaire Général du MOLTRA (Mouvement pour la Libération Totale et la Reconstruction de l’Afrique) a bien voulu répondre aux questions du Lynx. Ici, il nous parle de Guillaume Soro, Alassane Ouattara et de leurs maîtres Occidentaux. Fin connaisseur de la situation socio-politique ivoirienne, l’analyste politique regrette que les africains ne cernent pas encore les contours de l’impérialisme français : « L’internationale Socialiste n’a rien à avoir avec ce qu’imaginent certaines têtes africaines. On n’est pas là dans un groupe de fraternité ou une amicale où on défend de mythiques idéaux auxquels seuls des africains croient. La France y est pour défendre ses intérêts multiformes » martèle t-il. Un condensé du drame ivoirien dans une interview inédite. Lecture !

Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info le 14 juillet 2012


Lynx.info : Soro a été reçu par Claude Bartolone. Comment expliquez-vous que la France n’ait pas de problèmes à s’asseoir avec les officiels africains  fortement soupçonnés d’atteintes aux droits de l’homme ?

Komla KPOGLI : La seule raison qui explique ce soutien sans faille de la France aux tyrans africains est que ces derniers sont ses créatures. Ce sont des créatures qui travaillent pour les intérêts de la métropole. Nous sommes en pleine colonisation même si beaucoup, vraiment beaucoup d’africains ne s’en rendent pas compte ou font semblant de ne pas s’en rendre compte. Nous avons là, une « élite indigène », collaboratrice coloniale qui n’a d’autres tâches que de veiller à la conservation et au renforcement du système de protectorat colonial. En retour la métropole se doit de lui apporter tout ce qu’il faut pour qu’elle mène à bien sa mission. Il n’y a donc rien d’étonnant dans cette rencontre Bartolone-Soro. C’est naturel que deux entités qui travaillent pour la même cause se rencontrent.
Pour ce qui est des droits de l’homme, il serait grand temps, pour les africains de se demander, en fonction des réalités et non de leurs vœux oniriques ou de leurs illusions noires, quels sont ces droits et quel est cet homme qui a ces droits. Dans le système de protectorat colonial, les seuls droits qui existent sont ceux de la métropole et les détenteurs de ces droits sont la « race blanche» et les entreprises commerciales qui s’implantent dans la colonie. Les habitants de la colonie ainsi protégée n’ont que des devoirs. Le reste relève du rêve.

Lynx.info : Guillaume Soro à Paris demande à Laurent Gbagbo de se confesser….

K.K : Les africains doivent savoir qu’une des lois de l’histoire est que ce sont les vainqueurs qui dictent les règles du jeu. Il ne s’agit pas de morale ou de sentiments. Les hommes qui animent les institutions coloniales ne perdent pas leur temps avec ce genre de notions. Donc, il est tout à fait normal que ce soit Guillaume Soro qui intime l’ordre à Gbagbo d’avouer ses fautes et non le contraire.  Les peuples et leurs dirigeants déchus se font diriger par les pires bouffons. C’est ainsi. Il ne s’agit pas de la parole de Dieu que des africains aiment tant ou de sagesse africaine. 
Malheur donc aux peuples vaincus et qui, dans la défaite, refusent d'en diagnostiquer les raisons pour espérer se redresser. Car, aussi longtemps qu'ils seront des vaincus, ces peuples sont destinés à payer la rançon de la défaite aux vainqueurs aussi criminels soient-ils.

Lynx.info : Guillaume Soro dit qu’il n’a pas donné l’ordre de tuer Ibrahim Koulibaly. Vous connaissez bien le drame ivoirien. Entre Guillaume Soro, Alassane Ouattara et la France, qui tue les Ivoiriens ?

K.K : Il y a une constance de l’histoire que nous, africains, refusons de cerner : lorsque des agresseurs étrangers veulent parvenir plus facilement aux desseins qu’ils se sont fixés, ils utilisent les maillons faibles, de véritables aliénés et véritables machines à détruire au sein du territoire cible. Ces maillons faibles, les agresseurs les sélectionnent, les forment, les outillent, les équipent et les mettent en mouvement. En Afrique, c’est beaucoup plus facile car l’école et la religion prédisposent une masse incroyable d’individus à défendre plus l’extraversion que l’endogène qu’ils connaissent à peine. Dans le territoire de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, Alassane Ouattara et leur cohorte de fantassins sont de ceux-là. Dans le territoire du Togo, par exemple, les Faure Gnassingbé, Bawara, Bodjona et leur race de caniches franco-africains sont ces maillons faibles. Dans les territoires des deux Congo, ce sont respectivement Kabila et Sassou Nguesso et leurs spadassins. A Djibouti, c’est Omar Guelleh et ses apôtres…
Tous ces génies africains ont leurs ancêtres que sont les Houphouët-Boigny, Eyadéma Gnassingbé, Omar Bongo, Senghor, Gabriel Lisette, Blaise Diagne, Felix Eboué…Ces homme-liges habillés en préfets locaux ou en gouverneurs ont légué à leurs héritiers trois fonctions : 1) conserver et renforcer les structures d’exploitation et de désintégration de l’Afrique, 2) surveiller et réprimer les sujets que nous sommes et 3) renforcer l’intégration des territoires qu’ils régentent dans l’économie mondiale détenue par les tuteurs regroupés aujourd’hui au sein du G8.

Lynx.info : Voyez-vous encore Alassane Ouattara envoyé un de ses seigneurs de guerre à la justice ?

K.K : Le 05 décembre 2011 sur la fameuse France 24, Florent Geel, directeur Afrique de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) avait fixé le nombre de celles et ceux qui devraient comparaître devant les tribunaux pour crime de guerre, notamment devant la CPI qui, il faut le rappeler n’est pas une cour de justice mais un tribunal politique car sélectionnant soigneusement ses inculpés, à « 3 au minimum et au maximum à 7 personnes ». Florent Geel avait précisé que toutes ces personnes sont, selon ses propres termes « du camp Gbagbo ». Pour le reste, pris de bégaiements, le Monsieur Afrique du FIDH avait énoncé que les crimes commis par la France, l’ONU et leurs protégés locaux dirigés par le couple Ouattara-Soro « ne sont pas de même nature ». On peut donc conclure qu’en raison de leur caractère fixé par Florent Geel, il n’y a ni criminels, ni « seigneurs de guerre », pour reprendre vos mots, dans le camp franco-ouattariste.

Pour la stabilité du pouvoir franco-ouattariste, personne n’a intérêt à livrer qui que ce soit. C’est là que vous voyez le caractère purement politique de la justice dont on nous parle. Peut-être qu’il va y avoir quelques assassinats maquillés en accidents ou en maladies pour neutraliser des éléments dérangeants lors d’opérations spéciales ou clandestines par les forces spéciales des pays protecteurs de la satrapie de Ouattara. S’il n’est pas nécessaire d’éliminer physiquement certains autres éléments qui deviennent trop nuisibles, non pas pour ce qu’ils ont fait et font contre les africains de Côte d’Ivoire mais pour la tranquillité du système, eh bien, ils seront livrés à la justice franco-ouattariste pour « tentative de coup d’état » ou « atteinte à la sûreté de l’Etat ».

Lynx.info : …mais Hillary Clinton voudrait au moins que Guillaume Soro assiste comme témoin à la CPI…

K.K : Ce type de déclarations fait partie de la stratégie des puissances terroristes comme les Etats-Unis d’Amérique. Il n’y a rien de nouveau là. Il s’agit de se donner l’image d’un pays qui est impartial, qui veut la justice, qui est pour l’équité et pour la « démocratie » telle que les africains l’imaginent. Cette stratégie de déclaration fracassante voire menaçante a pour don de calmer les masses populaires victimes et de les attirer vers ces pays, de les conduire à fonder un espoir illusoire dans une mythique bonté et dans une légendaire assistance des gouvernements de ces pays qui sont, en réalité, les commanditaires des crimes dont il est question.
C’est exactement ce que fit François Mitterrand lors de la conférence de la Baule que les élites coloniales africaines incapables de lire le monde présentent toujours comme La Rupture. Après avoir proclamé à la face du monde une chose (la France ne fera plus ceci ou cela, la France ne fera ceci ou cela que si…), Mitterrand, en fin colonialiste, dit et fait son contraire dans la réalité et dans les coulisses en rassurant son auditoire de tyrans obséquieux  sur un discours qui n’était qu’une communication nécessaire pour l’image de la France.

Lynx.info : Finalement c’est pas Guillaume Soro que nous savons que la CPI a émis des mandats contre Blé Goudé, Simone Gbagbo et Dogbo Blé. En Côte d’Ivoire c’est un seul camp qui a tué ?

K.K : Oui, c’est un seul camp qui a tué. C’est ce que nous disent la FIDH, la CPI, la France et l’ONU. Les ballets incessants des procureurs de la CPI dans les arcanes de la satrapie de Côte d’Ivoire sont des preuves supplémentaires que lorsqu’une certaine justice et le crime le plus crapuleux sont amis, ce dernier peut être certain de son impunité. Mais non seulement un seul camp a tué, surtout les massacres de l’autre camp que rien ne justifie au demeurant, sont immunisés d’office. Car, ce sont de bons crimes commis par des pupilles dont les tuteurs cumulent les fonctions de juges suprêmes. C’est cela l’histoire. Les vainqueurs ne s’avouent pas criminels.

Pour renverser cette tendance les peuples soumis doivent se donner la peine de se redresser. Ceci demande un travail permanent de prise de conscience, de mobilisation et d’organisation autour d’un leadership avisé et visionnaire qui doit naître au sein des soumis. Regroupés, formés et munis d'outils adéquats nous sommes appelés à vaincre. Dispersés et sans idées directrices ni leadership éclairé, nous sommes collectivement condamnés.

Lynx.info : Comment expliquez-vous la haine que vouait les socialistes français à Laurent Gbagbo ?

K.K : Ce qui caractérise les Etats, les vrais, c’est le nationalisme économique au nom duquel leurs élites politico-économiques se donnent les moyens pour aller prendre l'argent et les ressources là où ils se trouvent. C’est à dire que ces élites, qu’elles soient de gauche, de droite, du centre ou des extrêmes, sont mues par la défense des intérêts nationaux. C’est cela la mission que leur confient leurs concitoyens qui les élisent. L’Internationale Socialiste n’a rien à avoir avec ce qu’imaginent certaines têtes africaines. On n’est pas là dans un groupe de fraternité ou dans une amicale où on défend de mythiques idéaux auxquels seuls des africains croient. La France y est pour défendre ses intérêts multiformes. Donc si, dans un tel groupement un dirigeant veut s’opposer à ces intérêts, ne serait-ce que de la plus bénigne des façons, il est haï et lorsque les foudres de la métropole s’abattent sur lui, les socialistes français ne sont pas là. Au contraire, les socialistes français, en parfaits patriotes, mettent les connaissances qu’ils ont pu acquérir sur ce valet indélicat dans l’Internationale au service de leur pays. Ils n’ont rien à foutre des amitiés auxquelles seules les africains croient. Ainsi quand le président Gbagbo ose toucher à des questions comme celles du franc CFA ou de la soumission totale de satrapes africains à la France ou encore lorsqu’il évoque le territoire de Côte d’Ivoire comme « pas une sous-préfecture de la France », il touche le sacré. Les châtiments ne peuvent finir que par arriver sur fond d’une quasi-communion métropolitaine.
Quand l’Occident défend ses intérêts, la dissidence n’est pas de mise, c’est l’union sacrée. Sans même qu’on demande à tout le monde de se mettre en position, chacun sait la position qu’il doit tenir aussi bien dans les cafés, dans le métro que dans les médias. C’est cela l’esprit de peuple. Les africains l’ont perdu depuis belle lurette.

De plus, les socialistes d’aujourd’hui, qu’ils soient français ou d’autres nationalités, sont des capitalistes. Historiquement d’ailleurs, ce sont les plus fervents défenseurs du colonialisme nimbé dans les oripeaux de missions humanitaires qui se signalaient déjà par leur double discours. Malgré tout ceci, il existe une bande d’irréductibles africains qui continuent par se convaincre que François Hollande est un cas à part et qu’il signera bientôt Le Décret sortant l’Afrique de l’orbite économique française.

Lynx.info : …. Dans une interview à Lynx.info, Odile Biyidi présidente de l’association Survie ne voit pas François Hollande faire mieux en Afrique. Vous êtes du même avis ?

K.K : Ce qu’il faut observer c’est que les français eux-mêmes disent que Sarkozy et Hollande c’est quasiment la même chose, c’est-à-dire la même politique, le même fond en quelque sorte. La seule différence, quand on écoute là encore les français, entre les deux hommes se situe sur le terrain du comportement et du style. Ça, c’est ce que disent les français eux-mêmes. Mais, pour beaucoup d’africains forcés de croire en leurs rêves fiévreux, c’est la fin d’une époque avec l’avènement de François Hollande. Cette attitude montre que nous ne sommes pas encore conscients de ce qui est la trame des relations que le monde extérieur, particulièrement la France, entretient avec l’Afrique.
Et, larmoyants, ne voulant pas tenter autre chose que ce que nous avons toujours fait, nous nous accrochons donc désespérément à nos pires ennemis croyant qu'avec le temps, par notre soumission et par notre gentillesse extrême, ils entendront raison et nous délivreront du mal qu'ils nous infligent suite à un humanisme qu'ils auraient retrouvé.

Au fond, nous nous détestons et nous détestons nos enfants les plus lucides. Si nous nous gargarisons de Cheikh Anta Diop et d'autres dignes fils d'Afrique c'est souvent juste par mode, par commodité et pour l'affichage. Pas pour mettre en application ce qu'ils nous enseignent. Quasi jamais d'accord sur l'essentiel, l'accessoire emporte notre adhésion et sur l'essentiel chacun fait à sa tête. Bref, nous avons donc perdu la boussole et ne désirons la retrouver que tièdement. Avec cet esprit tordu, pas étonnant que nous occupions le rang du peuple le plus colonisé dans cette vallée humaine. Il n’est, en conclusion, pas étonnant en nous accrochant à la fictive bonté retrouvée de nos ennemis, que nous soyons l’unique peuple que n’importe quel individu pour peu qu’il soit d’une couleur de peau un peu plus claire insulte proprement et que nous occupions la place, la triste place de colonisés et de recolonisés par n’importe qui. Car, lorsqu’un peuple ne croit plus en lui-même, c’est la porte ouverte à tous les vents.

Lynx.info : …. Alors pour le développement de l’Afrique, droite comme gauche c’est blanc bonnet et bonnet blanc ? Que doivent faire les africains alors ?

C’est une évidence que beaucoup trop d’africains la tête dans le sable ou dans les nuages ne veulent pas accepter. La droite et la gauche et toutes leurs déclinaisons ne sont que des marqueurs électoraux destinés aux électeurs de leur pays. Ça n’est pas pour nous. Les dirigeants de chaque pays sont là pour une mission précise : servir les intérêts nationaux. Si, un peuple ou un groupe d’hommes naïfs et rêveurs attend que, parce que de gauche ou de droite, ces dirigeants viennent le décharger du poids de la soumission et du pillage, c’est tant pis pour lui.

Il faut donc que les africains prennent conscience massivement de ce qui fait problème. Les africains doivent se débarrasser des aphorismes, des sagesses populaires, des citations philosophico-moralistes et religieuses et de la cargaison de proverbes africains qui leur permettent de justifier leurs souffrances et leur refus de s’organiser. Que nous nous rassemblions dans des groupes organisés en nous départissant des identités coloniales dont nous sommes si fiers. Identités qui nous font passer pour des Togolais, des Maliens, des Camerounais, des Ivoiriens, des Gabonais, des Somaliens…peuples émiettés, compartimentés, ethnicisés et enfermés dans des enclos coloniaux n’ayant rien en commun si ce n’est notre devoir de rester sous la coupe d’un colonialisme qui finira par nous sortir de notre « misère naturelle » avec l’aide d’un « Dieu » importé. En nous redéfinissant, nous nous donnons ainsi un des outils les plus importants à savoir l’outil psychologique ou mental pour la reconquête de notre espace. Car, l’outil psychologique est le père de l’outil matériel. Un peuple morcelé et colonisé qui prend conscience de son état, qui s’organise autour d’un leadership intelligent, responsable et muni de matériels adéquats pour lutter et qui décide de forcer le destin pour reprendre sa place qui lui est volée, voilà un peuple qui n’est pas loin de la résurrection et du retour. L’enjeu est de taille : il s’agit de regagner notre espace, le posséder effectivement, le transformer et le sécuriser définitivement. Ce n’est pas une mince affaire quand on sait ce que le camp adverse possède comme avantages sur nous. Donc si nous ne sommes pas capables tout au moins de faire preuve de discipline, d’intelligence et d’esprit de renoncement, c’est-à-dire de sacrifices, ce sera mission quasi-impossible. Déjà, pendant que nous essayons d’insuffler une nouvelle conscience, voici que des négro-africains armés de la bible et du coran cassent tout sous l’œil moqueur de « l’élite indigène ». Une pseudo-élite fièrement sortie de l’école coloniale pour qui le plus grand service à rendre à l’Afrique consiste à s’approprier les parcelles du pouvoir sous sa direction, à servir les multinationales, à se faire recruter par des ONG et autres organisations internationales paralysantes avec le titre vide de fonctionnaires internationaux dont ils en raffolent.

Lynx.info : Finalement Alassane dirige la Côte d’Ivoire avec un parlement monocolore. Comment expliquez-vous que la communauté internationale ne se sente pas offusquée pour un pays qui sort de la guerre ?

Qu’est-ce que la communauté internationale ? N’est-ce pas les pays qui ont porté Ouattara au trône ? Pourquoi doivent-ils être mécontents de voir les éléments qu’ils ont portés au pouvoir dans le territoire de Côte d’Ivoire détenir toutes les rênes de l’administration coloniale? On n’a pas fait la guerre au peuple africain de Côte d’Ivoire pour que le pouvoir soit réparti suivant la force des parties en présence et dans l’intérêt des populations locales. La communauté internationale, alias les Occidentaux, n’a rien à foutre avec ces histoires de « démocratie » et de « justice » telles que nous les imaginons dans notre monde d’africains. Cessons donc de nous poser les mauvaises questions.

Lynx.info : Komla Kpogli : Je vous remercie.

C’est nous qui disons merci au Lynx.