vendredi 29 janvier 2010

Komla KPOGLI «C’est une faute que d’inscrire notre peuple dans une dynamique électoraliste qui fonctionne à perte depuis 20 ans.»

Lynx.info : Pour un scrutin a un tour beaucoup table pour une solution de l’union de l’opposition.Le problème du Togo est-il actuellement celle de la candidature unique ?

Rodrigue KPOGLI: C’est évidemment un faux problème. Au Togo, la question est de savoir si le pouvoir en place est disposé à suivre la voie démocratique pacifiquement exprimée par le peuple. Chacun peut y répondre. De notre point de vue, la réponse est non. A partir de là, candidature unique ou pas, le pouvoir RPT et ses alliés ont leur décision. Tant pis pour ceux qui pensent que le problème se pose autrement.

La réalité des pays africains, le Togo y compris, est que derrière cette pseudo-stratégie électorale unitaire, se cache un vrai piège que les ambitions plates couplées à la précipitation la plus paresseuse empêchent de voir. On pense monter un front contre le tyran. En réalité, on lui fournit l’argument selon lequel, il serait tellement populaire et électoralement puissant dans le pays que pour arriver à le battre, «les opposants» n’ont d’autres alternatives que de se regrouper. Au cas où ils échouent dans ce projet de rassemblement, la victoire du tyran serait due à la dispersion des voix qui auraient dû revenir à un porte-flambeau issu d’une coalition malheureusement avortée. Le tyran regrettera lui-même la défaite de «l’opposition» qui aurait pu l’emporter si elle s’était regroupée. Il compatira à la douleur de «l’opposition» et tous l’accuseront d’avoir mérité son échec. C’est de la pure fumisterie. Car, on efface d’un trait le respect des règles de transparence, du respect du suffrage, de la disproportion des moyens entre le candidat du pouvoir qui bénéficie d’ailleurs du soutien de pays étrangers, d’institutions internationales ainsi que de multinationales intéressées et ses concurrents démunies ou financés parfois pour entretenir le spectacle. Les questions des listes électorales truquées et gonflées, des bulletins pré-votés distribués contre quelques billets de banques ou un bol de riz, de l’administration électorale inféodée au pouvoir, des bureaux de vote fictifs montés par des courtisans zélés et carriéristes balançant en direction de la CENI des résultats totalement fictifs, du rôle de l’armée et de la police en période électorale, du contrôle qu’exerce le pouvoir sur des médias dont il achète le silence avant et pendant le scrutin aux nez et à la barbe de tous, de l’achat des consciences, du bidouillage du matériel informatique afin qu’il double automatiquement la voix du candidat du pouvoir, du vote multiple de certains, du vote anticipé des corps habillés, véritable opération de triche, du contrôle de l’Internet dont le débit est sciemment ralenti, du brouillage du réseau téléphonique, des tracasseries volontairement créées par la permutation de l’ordre des listes électorales et des inscriptions multiples, de la partialité de la Cour constitutionnelle, de l’accréditation quasi-exclusive de quelques organisations locales amies et des observateurs étrangers avides d’argent au mépris de la connaissance du terrain... sont occultées. Toutes les questions qui se posent en amont et en chaînon central sont éclipsées au profit des résultats, en aval.

Lynx.info : La phrase de Lénine selon laquelle « l’important est celui qui compte les voies » est actuellement sur toutes les lèvres. Quelles solutions préconise la J.U.D.A pour que tous les partis jouent franc-jeu ?

Au regard de tout ce que nous venons de dire, nous n’avons aucune suggestion à faire aux partis. Il n’y a pas de franc-jeu lorsqu’un des compétiteurs a tous les moyens de trucage au point où il aurait voulu que le match n’ait même pas lieu. Cependant, cela ne veut pas dire que la partie adverse doit abandonner le combat. Au contraire, à lui de connaître l’identité de son adversaire, ses moyens d’action, ses objectifs et ses alliés pour définir les moyens adéquats afin qu’un vrai match ait lieu. Il faut donc savoir pourquoi on se bat. Si le but de notre combat c’est de répondre aux aspirations et aux besoins de notre peuple, alors, il faut absolument que notre camp, après avoir évaluer ses forces et faiblesses, forge son propre agenda et ses propres outils pour cesser d’accompagner le système.

Nous ne sommes pas dans une compétition électorale classique où les candidats seraient conviés à se mesurer l’un à l’autre loyalement sur une balance démocratique avec leurs programmes politiques respectifs. Notre combat est une lutte de libération. C’est donc une faute que d’inscrire notre peuple dans une dynamique électoraliste qui fonctionne à perte depuis 20 ans. Cette entreprise est ruineuse. Elle ne peut que saper le moral du peuple qui de désillusion en désillusion, finira par embrasser de faux dieux par désespoir. Il va falloir donc revenir en arrière pour mieux repartir car, nous nous trompons de chemin et nous nous moquons gravement de nous-mêmes. Notre pays, à l’instar des autres colonies africaines, n’est pas indépendant. Par conséquent, un peuple africain souverain qui choisirait ses dirigeants et renverrait ceux-ci lorsqu’ils échouent dans leur mission est un mythe à déconstruire au plus vite. Il faut donc un bouleversement total de l’ordre établi actuel pour pouvoir donner ensuite la parole au peuple. Sans cela, nous allons continuer le tournage en rond. Les portes de l’enfer vont davantage s’ouvrir devant nous et les morts d’aujourd’hui seront plus heureux que les vivants de demain si nous continuons par marcher religieusement sur cette fausse piste.

Lynx.info : Gilbert Bawara parle du meilleur fichier électoral de la sous région. Pour Bodjona Pascal une mise á jour suffirait.Apparemment le RPT est plus á l’aise avec le travail de la CENI.Comment vous l’expliquez á la J.U.D.A ?

Il n’y a pas d’autres explications en dehors de ce que vous savez. Comment voulez-vous que le RPT soit malheureux quand il sait que son industrie à frauder tourne à plein régime? Encore une fois, nous serons victime de notre naïveté infantile. Nous ne voulons pas prendre conscience des forces qui dirigent notre pays. Le peuple n’influence rien et ne va rien influencer tant qu’il n’aura pas choisi de refuser de marcher dans l’agenda du pouvoir et ses amis. Le pouvoir a conçu des outils pour ses besoins. Il en est ainsi de la CENI qui accomplit résolument sa mission sous la houlette de Taffa Tabiou. Pourquoi voulez-vous que le RPT s’en offusque?
En plus de ceci, le RPT a créé plusieurs journaux, radio et télévision qui assurent, par la voix de certains journalistes dragués puis convertis, sa propagande en plus des médias publics.

Lynx.info : Quelles appréciations faites-vous du développement á la base initié par Faure ?

Encore une de ces formules brumeuses dont les pouvoirs illégitimes et criminels ont le secret! Le développement n’existe pas en dehors de la satisfaction des besoins du peuple. Donc, par essence tout développement a pour point de départ la base, en l'occurrence, le village, première entité politique. Le fait est qu’il n’y a pas d’Etat. Pas plus au Togo qu’ailleurs en Afrique pour impulser ce processus. Faure Gnassingbe est au Togo, l’un des facteurs inhibiteurs à l’émergence de cet outil essentiel qu’est l’Etat. Faure Gnassingbe n’incarne pas les aspirations du peuple. Il ne le représente pas. Personne à l’intérieur du pays ne l’a désigné pour diriger le Togo et donc, personne n’attend de lui qu’il développe quoi que ce soit. Il incarne nullement l’intérêt commun au profit d’intérêts claniques et étrangers. Bref, il n’a rien initié et n’initiera rien dans l’intérêt de notre peuple qu’il a tué et violé impunément. Il le méprise. N’est-ce pas lui qui a fait adopter le cahier néolibéral qu’est le fameux document stratégique de réduction de la pauvreté en catimini avec quelques prétendues organisations de la société civile pour mieux appauvrir notre peuple? Fait-on du développement d’un pays en violant et en tuant son peuple? Fait-on le développement d’un pays en érigeant des frontières artificielles et criminellement électoralistes entre un Nord acquis et un Sud, opposant? Fait-on le développement en siphonnant les biens publics pour les placer à l’extérieur et s’acheter des voitures de luxe? Quand on soumet les autorités traditionnelles, les discréditant ainsi aux yeux des populations qu’elles sont censées conduire, quand on révoque d’autres à des fins électoralistes, quand on sacrifie l’éducation, la santé, l’accès aux besoins alimentaires et énergétiques au profit des dépenses militaires et du remboursement du service de la dette odieuse, on fait donc du développement à la base?! Quand on se promène sur le territoire en hélicoptère aux yeux des populations appauvries et humiliées, quand on se fait faire des prières dithyrambiques avec l’évocation des ancêtres et du sang de moutons égorgés à ses pieds, on fait du développement à la base?! Quand on mobilise les populations sinistrées, non pas pour travailler, mais pour se faire acclamer et danser toute une journée, on fait donc du développement à la base?! Drôle de développement qui ne se développe qu’au sein d’un clan et d’un cercle d’amis aux ambitions d’école enfantine.
Le microcrédit qu’on chante n’est pas non plus une solution contre la pauvreté car, il est destiné aux citoyens solvables et non aux plus démunis. De surcroît, le taux qu’on qualifie de bonifié n’est pas si facile que ça à payer.
En clair, le développement à la base à la Gnassingbe, c’est de l’enfumage! Du slogan creux et de la propagande de mauvais goût! Rien d’autre.


Lynx.info : La commission «  Vérité-Réconciliation » souffre déjà de moyens financiers. Faure est-il sincère quand il dit reconcilier tous les togolais ?

Vous osez croire qu’il y aura de la vérité et de la réconciliation sous le régime des Gnassingbe? Au risque de vous décevoir et de déplaire à votre lectorat, Faure Gnassingbe n’est pas sincère du tout. Si non, il n’aurait pas été là où il se tient actuellement. Il suffit de poser la question de savoir à qui profite l’absence de la vérité pour savoir que Faure Gnassingbe ne fera rien. Il faut qu’à un moment donné, nous cessions de nous mentir à nous-mêmes en entretenant envers nous-mêmes de faux espoirs. C’est pareil pour des idées telles: on adresse une pétition au tyran, on lui demande d’organiser des élections transparentes...Si le tyran écoutait la voix du peuple, serait-il encore tyran? S’il organisait des élections transparentes, lui reviendrait-il de les organiser? Tant que le peuple noir ne serait pas en mesure de bouleverser l’ordre établi actuel, on aura rien. En fin de compte, avec ce genre de questionnements, nous participons à notre propre mépris.


Lynx.info : Finalement l’APG s’est refermé sans résultats probants sur l’opposition signataire. Croyez-vous á la J.U.D.A quand Faure déclare organiser des élections crédibles comme au Ghana voisin ?

A la J.U.D.A on n’accorde aucun crédit à la parole d’un homme de l’acabit de Faure Gnassingbe. Seul un travail méthodique avec des outils adéquats pourra nous permettre de venir à bout de ce régime. Mais, nous ne pouvons empêcher les gens de rêver et d’espérer des miracles. S’ils ont déjà vu des miracles de cet ordre se réaliser tout seuls, alors libres à eux de rêver.

Lynx.info : Vous refusez á la J.U.D.A le rapatriement des cendres de Sylvanus Olympio Pourquoi Mr Kpogli ?

Notre opposition à ce simulacre d’hommage est motivée essentiellement par deux raisons: la première se résume en ce que Faure Gnassingbe est l’incarnation absolue et la continuation de tout ce contre quoi Sylvanus Olympio s’est battu. Toutes choses ayant finalement réussi à avoir sa peau au travers de quelques seconds couteaux sans doute tranchants mais intrinsèquement incultes. C’est donc un hommage à rebrousse-poil.
La deuxième est plutôt relative à l’opportunité de l’annonce de ce rapatriement. Visiblement en mal de popularité et à la quête d’un sujet d’envergure national pouvant justifier la frauduleuse victoire électorale en préparation, Faure Gnassingbe jette son dévolu sur la mémoire de ce grand homme. C’est de la communication pro-active. Nous avions appelé donc tous les citoyens épris de liberté à empêcher cette récupération grotesque.

Lynx.info :Avez-vous des messages á l’endroit du peuple togolais ?

Il n’y a pas de raccourcis contre une tyrannie pilotée depuis l’extérieur. Avec ce que nous faisons actuellement, nous n’allons nulle part. Il faut changer de braquet. Ceci se fera quand l’heure aura sonné pour une minorité de patriotes formée, consciente, organisée et agissante de ne plus accepter la soumission de notre peuple.


Interview réalisée par Camus Ali  Lynx.info
Le 27 janvier 2010

jeudi 28 janvier 2010

Rodrigue KPOGLI face à Sylvain Amos : « Nous devons refuser de marcher dans l’agenda du système et …agir autrement»

Le Samedi 23 janvier 2010, Rodrigue KPOGLI était au micro de Sylvain Amos de Kanal K dans l'émission "Fenêtre sur l'Afrique". Durant cet entretien, il est question de la J.U.D.A, du séisme en Haïti, de la présidentielle de février 2010 au Togo et de la problématique d'une langue commune africaine. A bâton rompu, cette discussion a abordé d'autres sujets brûlants de l'heure. Voici en intégralité ce document:

tilidom.com

jeudi 21 janvier 2010

INVITATION A LA CONFERENCE PUBLIQUE

CONTEXTE

La France et ses zouaves ont décidé de faire un nième pied de nez aux Africains : célébrer en cette année 2010 ce qu’ils appellent le cinquantenaire des indépendances africaines cyniquement qualifié « le jubilé d’or ».

L’objectif de cette fumisterie est de faire croire en l’existence de quelque chose qui n’a jamais pu voir le jour. « Les pays africains sont totalement indépendants et la « coopération française » est faite pour aider à leur développement », voilà l’idée que l’on voudrait véhiculer. Ce gigantesque mensonge couplé à un mépris sans égal doit être démonté avec des preuves et un discours clair et précis.

MANIFESTATION

Comment et pourquoi a-t-on empêché les indépendances ? Qui bloque la construction d’une l’Afrique épanouie, intégrée et responsable? Quel est le but visé par cette célébration ? Quel est l’état des lieux des relations entre la France et l’Afrique ? Quelles perspectives pour l’Afrique ? Quels sont les défis actuels à relever et les interrogations à formuler demain ? Pourquoi et comment le peuple Noir et sa jeunesse doivent s’organiser au plus vite ? Pour répondre à ces questionnements, débattre et faire retentir la voix du peuple noir étouffée ou volontairement ignorée, cette conférence publique est organisée.


THEME

Les indépendances africaines à la loupe des réalités. Que s’est-il réellement passé en Afrique ces 50 dernières années ?

COMMUNICATEUR

Rodrigue KPOGLI, Secrétaire Général de la Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique.

LIEU

Lausanne - Pôle Sud
Av. Jean-Jacques Mercier 3 (Flon) - Tél : 021 311 50 46 (SUISSE)


DATE - HEURE
Samedi 13 février 2010 à 16h 00.

ENTREE
10 francs suisse (7 euros).

Une autre Jeunesse au service d'une Afrique nouvelle

mardi 19 janvier 2010

Togo 2010 : Voici le coup que prépare la France pour l’élection présidentielle.

2010 : le duel UFC-RPT sera détourné. Le candidat de l’UFC sera le troisième.

19 janvier 2010
Rodrigue KPOGLI


Les années passées, le RPT- parti au pouvoir au Togo depuis 1963- et ses alliés ont toujours eu la malice de placer en seconde position, l’Union des Forces du changement (UFC) de Gilchrist Olympio à chaque hold up électoral. Au mépris de la vérité factuelle qui fait de l’UFC le vainqueur dans les urnes, l’industrie de transformation de bulletins de vote – la seule industrie créée et entretenue au Togo - change les données et inverse les résultats puis confie à son bras armée, l’écrasement de la contestation populaire. La répétition de cette pratique a installé une sorte de coutume au Togo.

A chaque élection, le RPT est en tête et l’UFC suit immédiatement. Tellement ancrée dans les esprits, cette coutume emporte volontiers l’adhésion des responsables de ce parti. Gilchrist Olympio finira lui-même par reconnaître qu’il n’y a que deux partis au Togo : le sien et le RPT. Plutôt, le RPT et le sien. Cette configuration politique dominée par le voleur et le vrai vainqueur a fait des vagues et produit d’incommensurables dégâts sur le chemin de croix que constitue la marche du Togo vers la démocratie.

Cette alliance paradoxale ayant constamment frustré les forces dites de l’opposition plus ou moins soudées dans les années 90, a fini par les disperser voire les dissoudre totalement. Chacun a choisi son destin et on est tous ensemble arrivés là où on doit arriver. Bien sûr que certains y sont parvenus en voitures et d’autres à pied. Mais toujours est-il que le Togo, à l’arrivée, est Grosjean comme devant et le peuple a trinqué à fond.

Aux lendemains du braquage à mains armées du suffrage démocratique, ce couple improbable, avant de cohabiter dans une ambiance cyclothymique, se déchire. Le plus fort, outillé de l’arsenal militaro-diplomatique mis à son service, manié avec dextérité par la France ainsi que certaines institutions néo-impérialistes secondaires, finit par imposer la voie à suivre : la table de négociation. De rebondissements en rebondissements, un accord à minima est trouvé. Ce qui évidemment permet au pouvoir RPT de déployer ses tentacules dans une relative accalmie en attendant le grand bouleversement qui indiquera à nouveau la même voie. La boucle est alors bouclée.

Lors de ces piégeuses et interminables négociations qui finissent par montrer que le système RPT et ses alliés gagnaient du temps, le parti dupé rate pas mal de cibles. Et, au lieu d’exiger des avancées, il se fourvoie et finit par sortir comme il y était entré étant donné que son arme qu’est le peuple fut anéantie en amont. Toutefois, malgré ce handicap, il maintient une certaine pression. Puis, calculant sans doute les conséquences politiques pour les échéances électorales à venir, il refuse de collaborer entièrement avec le système. Même s’il a entrepris sa légitimation, il ne va pas jusqu’au bout. Il décide de l’affronter avec ses faiblesses. Il entretient l’escalade, ne serait-ce que verbalement. Il expose certains dessous du RPT, lui créant par conséquent de la gêne au point de voir celui-ci obligé de taxer l’UFC de radicalisme, de sectarisme et de tribalisme. Pire, en bon hôpital qui se fout de la charité, le RPT l’accuse d’entretenir la violence et lui impute l’entière responsabilité de tout ce qui se passe ou de tout ce qui s’est passé de déplorable dans le pays. Le clash survient en fin de compte alors que ces étiquettes ont pour but de vilipender ce parti et le discréditer au profit d’une opposition acceptée, rémunérée et décrétée constructive.

Cette opposition constructive, construite de toutes pièces ne s’impose en rien. Elle accompagne le régime et conforte le système RPT quand besoin en est. A part, ce rôle de complément qui est le sien contre quelques postes de ministre ou de préfet, cette opposition construite n’a jamais réussi à bouleverser la vieille confrontation RPT-UFC. Elle s’est engluée dans son cocon satellitaire originel. Mieux, son créateur décide au gré de son agenda de la planter parfois. C’est le cas lors des législatives de 2007 où son fabriquant a jugé utile d'attribuer aucun siège à cette opposition construite. Le duo, persisterait donc. Mais, cela ne va pas durer. Car, à observer ce qui se passe actuellement au Togo, le système n’est plus visiblement disposé à jouer avec l’UFC. Et pour arriver à casser ce duo et éviter que l’UFC continue par casser les couilles à leur pupille en la traînant de capitale en capitale, de dialogue en dialogue, les concepteurs de la Mafiafrique, vraisemblablement, sont en train de monter une superbe opération. Celle-ci va consister certainement à positionner un nouveau larron entre les deux entités. Exactement comme au Gabon où Mba Obame a été glissé entre Mamboundou et Bongo-fils pour court-circuiter la contestation ou pour la rendre difficile en érigeant une couche d’ozone devant celui qui est considéré comme le challenger principal. Ainsi, au sortir de la future mascarade électorale de 2010, le candidat de l’UFC- Gilchrist Olympio ou non- ne sera plus derrière le porte flambeau du RPT incarné par Faure Gnassingbe. Il ne pourra donc plus l’affronter directement. Il sera le troisième sur la liste officielle. Cette stratégie aura le double effet de paralyser, d’une part, l’UFC et ses soutiens populaires qui devront vaincre le deuxième avant d’atteindre Faure Gnassingbe ; et d’assurer, d’autre part, une certaine tranquillité à ce dernier qui aura ainsi un autre partenaire. Celui-ci, du fait de la « bonne surprise » qui l’a promu à ce rang, n’hésitera pas à opter pour la formation d’un pseudo gouvernement de coalition.

Ainsi, le jour de la proclamation des résultats officiels, l’incompréhension dominera les esprits qui tenteront un sursaut. Mais ce sera un saut dans le vide ou un saut sur un caillou. Le mur dressé par le second sur la liste officielle leur sera infranchissable. Ils devront vaincre celui-ci avant de parvenir à secouer le représentant local du néocolonialisme franco-chinois qu’est Faure Gnassingbe. Pendant ce temps, lui, il passera son temps à jouer à l’arbitre, au pacificateur et au rassembleur au dessus de la mêlée. Ainsi, le duel tant attendu n’aura pas lieu. Les cartes étant redistribuées non seulement frauduleusement mais surtout dans un ordre totalement nouveau, les acteurs du conflit sont redessinés. Le vieux face-à-face RPT-UFC aura donc disparu, en tout cas, épisodiquement. Ceux qui souhaiteraient ce énième tête-à-tête pour soi-disant utiliser les élections fraudées comme ferment d’un soulèvement populaire auront été dribblés.

Certains trouveront que ce scenario est improbable. Et que ceci n’est qu’une fiction ou une vision du pire. A ceux-là, disons qu’ils n’ont pas tort. Tout malade espère guérir au plus vite. Seulement sa guérison est un processus qui dépend dans une large mesure de lui-même. Pour cela, il doit se mettre en condition et se donner non seulement la substance pharmaceutique adéquate, mais surtout le matériel psychologique. Dans cette logique, la question de savoir quel est le travail théorique et pratique qui a été collectivement accompli, va se poser. Depuis l’imposition de « Baby Gnass » au pouvoir à la suite du décès de son père en février 2005, avons-nous suffisamment théorisé ? Avons-nous saisi les opérations qui se font aussi bien à l’ombre que devant nous ? Avons-nous compris qu’à partir de 2005 et surtout avec l’Accord politique dit global, les acteurs ont beaucoup évolué au détriment de la situation du pays ? Avons-nous étudié et compris les différents coups qui s’opèrent dans d’autres territoires africains à l’instar du Gabon où la France a intercalé André Mba Obame entre Pierre Mamboundou et le fils Bongo pour paralyser ceux qui auraient voulu le match-retour Bongo-Mamboundou ? Nous sommes-nous écoutés suffisamment, les uns les autres? Nous sommes-nous organisés efficacement ? Voyons-nous que nous avons perdu pas mal d’alliés notamment dans la presse ? Voyons-nous les radios les plus citoyennes accepter de ne plus diffuser d’informations ni de débats jusqu’au lendemain de la « victoire » de Faure Gnassingbe contre des dizaines de millions de francs CFA ? Que faisons-nous contre cela ? Où sont nos instruments de lutte notamment notre presse, à nous ? Avons-nous vu et nous sommes-nous opposés au remplacement non seulement des préfets mais surtout des chefs traditionnels dans certains villages comme (Kpadapé dans le Kloto par exemple) ? Voyons-nous le déploiement des forces armées actuellement sur toute l’étendue du territoire pour cerner le peuple ? Quelle est l’organisation que nous opposons à cette machine ? Nous remettons-nous une fois encore à un hypothétique Dieu ou à une improbable communauté internationale ?

Le propre de toute société profondément malade, c’est de vouloir des solutions toutes faites, ici et maintenant. Nous ne les aurons pas, ces solutions. Puisqu’il n’y a pas de raccourcis menant à la liberté. Notre expérience a montré qu’il n’y a pas de raccourcis possibles contre une tyrannie. Malheureusement, on est quelque peu amnésique et émotif en ces moments pré-électoraux. La profonde réflexion a abdiqué face à l’émotion et face à l’empressement comme si un travail préalable avait été fait. Notre lutte ne se résume pas à une compétition électorale classique où les candidats viennent se mesurer l’un à l’autre loyalement sur une balance démocratique avec leurs programmes politiques respectifs. Au contraire, nous sommes en pleine lutte pour notre libération. Celle-ci a été entreprise par des héros écourtés comme Sylvanus Olympio, Nkrumah, Lumumba, Steve Biko, Um Nyobe, Félix Moumie, Sekou Toure, Ouezzin Koulibaly et bien d’autres. D’ailleurs, le fait qu’on cherche à imposer au peuple noir, cette fausse stratégie de candidature unique face au dictateur au pouvoir, élu d’office dans le sillage de la doctrine selon laquelle, l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie ou de celle qui proclame qu’on organise pas les élections pour les perdre, montre bien l’attrape-nigaud qui nous est tendu. Sous les oripeaux de ce piège que beaucoup prennent naïvement pour une stratégie politique ou une stratégie électorale de rassemblement, se cache bien l’idée que le dictateur a une telle assise populaire dans le territoire que pour arriver à le battre, il faille lui opposer un seul challenger. On occulte ainsi savamment les conditions nécessaires et suffisantes que sont la transparence et le respect de la voie démocratique pacifiquement exprimée par le peuple. Pour tout dire, lorsque le dictateur aura été proclamé vainqueur, ce ne sera pas qu’il ait triché mais ce serait la dispersion de l’opposition qui l’a fait Roi. La vérité est qu’on n’aura ni candidature unique ni victoire proclamée de « l’opposition ». Car, aujourd’hui, parmi les potentiels candidats, se trouve l’homme qui fera écran entre le RPT et l’UFC.

Pour le moment, au Togo comme partout ailleurs en Afrique, on se comporte en esclaves encore incapables de s’assumer comme tel et de se battre pour se libérer. Lorsque le moment sera venu, il n’y aura pas élection. Il n’y aura pas débat sur une prétendue stratégie de candidature unique. Il n’y aura pas un faux et retardataire questionnement sur une pseudo-élection à un ou à deux tours. Toutes ces questions seront inutiles car, on réalisera tous, du moins une minorité organisée et agissante verra que ce qui est en face n’est ni un parti politique au sens classique du terme ni une invitation à une compétition régulière et loyale. On ne cherchera pas à emprunter des raccourcis piégés et on n’obéira pas au plan tout tracé par nos ennemis pour volontairement nous perdre en chemin. On agira sans autres formes de procédure comme en 1789 en France contre les néocolonialistes qui utilisent leurs zouaves pour émasculer notre peuple. Cette échéance, on peut la retarder de 50, 100 ou 1000 ans. Mais, elle arrivera. C’est le destin humain : vivre en liberté et décider de son avenir en fonction de ses intérêts.

On peut toujours empêcher cette irréversible marche un temps. Mais on ne peut la briser pour toujours. Lorsque l’heure aura sonné, seul l’avenir de nos enfants ou celui des descendants de nos enfants qui assumeront cette responsabilité, comptera. Peu importera notre propre vie ou celle de nos enfants. Puisqu’un Homme qui vit, qui meurt plutôt pour l’avenir de son peuple est immortel.

jeudi 14 janvier 2010

Où est la Mère Afrique lorsque ses enfants meurent en Haïti ?

15 janvier 2010
Rodrigue KPOGLI

Une fois encore les enfants d’Afrique meurent. Où ? En Haïti. Un terrible séisme vient de balayer tout et de tuer - selon les estimations encore provisoires - 50.000 de nos compatriotes. D’une magnitude 7 sur l’échelle de Richter, ce séisme a ravagé la capitale du pays le mardi 12 janvier dernier. L’émotion est à son comble. Des cœurs saignent. Les médias occidentaux sont en ligne de mire pour à la fois montrer les ruines du pays, les corps déchiquetés et faire voir au monde qu’une fois encore ce sont leurs pays qui se sacrifient pour les autres et jouent aux bons samaritains, véhiculant ainsi la sous-lecture que les Noirs sont d’éternels assistés.

Les déclarations des pays occidentaux résonnent. Ceux qui en ont toujours voulu à Haïti d’avoir osé conquérir son indépendance et de ce fait l’ont sabotée, se disent eux-aussi touchés et mobilisés. Dans ce concert de soutiens et d’actions certes insuffisants - au regard de l’ampleur du drame - et pas forcément désintéressés, les pays africains brillent par leur absence. Régentée par des dictateurs sanguinaires, l’Afrique subsaharienne ne se porte pas mieux qu’Haïti. De plus, les tyrans africains n’ont aucune conscience de ce qu’est le peuple Africain. Pour la quasi-totalité de cette racaille politico-mafieuse, Haïti c’est dans les Caraïbes. Donc, ce qui s’y passe n’est pas son problème. Comment peut-il en être autrement lorsqu’on connaît l’insouciance et la cruauté qui sont les siennes à l’égard des sujets logés sur les territoires qu’elle administre.

La Mère Afrique, sous la férule des tyrans à la solde de l’étranger, est dans un coma tellement profond qu’elle ne ressent plus aucune douleur lorsque ses enfants périssent. Que ce soit sur ses propres terres, en mer avec ses enfants dits clandestins, ou plus loin sur d’autres continents. Il est loin, très loin le temps où cette mère protégeait ses progénitures. Aujourd’hui, sans couverture maternelle, les enfants d’Afrique sont à la merci autant des catastrophes naturelles ou provoquées qu’à celui des autres hommes qui ne cessent de les mépriser, les humilier, les exploiter, les spolier et les contrôler mentalement.

Dans cet océan de ruines et de désolation, où sont les organisations du peuple Noir? Où sont les associations de soutien à nos compatriotes d’Haïti en ces moments de douleurs intenses ? Nulle part ! Nous sommes devenus un peuple sans conscience, sans organisation, sans soucis alors que dans cette vallée humaine, notre histoire est celle qui devrait le plus conduire à l’esprit d’inventivité, de la prospective et d’interrogations permanentes en vue de la formulation de solutions inédites.

Aujourd’hui le drame de notre peuple en Haïti peut-il nous pousser à la réflexion ? Peut-il nous aider à prendre conscience de notre état ? Il le faut absolument car, un peuple qui est en guerre sans le savoir est absolument voué à l’échec. Il y a donc urgence à nous réveiller et à nous organiser au plus vite.

Il aurait été digne pour l’Afrique de prendre le devant dans le secours de ses enfants en Haïti. Mais les cris de détresse de nos frères et sœurs nous atteignent à peine. Non pas parce que nous sommes sourds. Si l’Afrique brille par son absence c’est d’une part qu’elle est guidée par d'incultes sanguinaires, inconscients des menaces qui guettent le peuple noir. Ces dictateurs construits à des fins exclusivement extérieures n’ont aucune mission à l’égard de notre peuple. Ils volent, tuent et pillent. Ils planquent leur butin dans les paradis fiscaux ou l’investissent dans l’immobilier et le luxe en Occident. Convaincus que par leurs faits l’avenir de l’Afrique est saboté, ces tyrans ont décidé de sauver le leur et celui de leurs progénitures.

D’autre part, les Africains eux-mêmes n’ont toujours pas recouvré leur conscience historique rompue par les razzias négrières. Cette rupture ayant été accentuée par la colonisation, les Africains sont isolés les uns des autres au point de ne plus avoir la conscience de peuple qui puisse les forcer à s’identifier et à s’organiser collectivement pour relever les défis communs. Nous avons plutôt accepté de marcher dans ce schéma colonial. Beaucoup continuent d’agir dans une vision nombriliste qui fait d’eux les détenteurs d’une conscience étroitement villageoise. On n’a pas fondamentalement compris que notre peuple est aussi ailleurs et qu’en toute chose, il faille inclure ceux-là bien qu’éloignés géographiquement voire psychologiquement à cause de la falsification de notre histoire collective, dans toute démarche africaine. Majoritairement, on n’a donc pas encore compris que les enjeux auxquels nous sommes confrontés sont colossaux et que seule une conscience panafricaniste peut les affronter valablement.

Qui mieux que nous-mêmes peut trouver des solutions à nos difficultés ? Mais la faiblesse de la Mère Afrique nous a collectivement contraints à manquer ce rendez-vous qu’est ce drame.

La nature a horreur du vide, dit-on. Les autres jouent le rôle qui est le nôtre en principe. Seulement, tous ceux qui courent aujourd’hui vers Haïti ne sont-ils pas les mêmes qui ont plombé ce pays et l’avenir de sa population ? La Suisse n’héberge t-elle pas des dizaines de millions de dollars volés par Duvalier père et fils qui s’opposent, avec le conseil d’avocats genevois chevronnés, à la restitution d’une partie (qui sait ce qui est gardé et les profits réalisés sur le principal) sur la demande du gouvernement haïtien ?

Aux lendemains de la victoire de Toussaint Louverture et de ses troupes contre la puissance esclavagiste et colonialiste amenant à l’indépendance d’Haïti, la France avait exigé le paiement par les anciens esclaves noirs haïtiens de 150.000.000 francs-or soit l’équivalent de 21 milliards de dollars actuels.

Tous ces pompiers qui annoncent urbi et orbi des aides financières, alimentaires et vestimentaires … n’ont-ils pas porté et soutenu des dictateurs au pouvoir en Haïti? N’ont-ils pas renversé par coup d’états les dirigeants animés de patriotisme ?

Haïti qualifié aujourd’hui sur tous les médias comme l’un des pays plus pauvres sinon le plus pauvre au monde n’est pas le damné de la nature comme on veut le faire admettre. Dans toutes les analyses distillées actuellement sur Haïti que n’a-t-on pas attendu ? Des esprits illuminés se sont naïvement ou cyniquement interrogés : « pourquoi la nature s’acharne-t-elle sur ce pays ? » D’autres ont suggéré que ce « pays est maudis » sans jamais parvenir à pointer l’auteur de cette malédiction. Certains politiques sont allés jusqu’à suggérer dans leur magnanimité qu’Haïti soit mis sous tutelle par d’autres pays. Pierre Weiss, vice-président du parti libéral radical suisse a vertement appelé sur la Radio Suisse Romande le 14 janvier 2010 les Etats Unis d’Amérique à s’accaparer du pays. Selon ses termes, « pourquoi M. Obama ne se transformerait-il pas en sauveur de cette république haïtienne, je crois que la France a depuis longtemps perdu cette ambition, eh bien que les Etats Unis la trouve ». Mais ce que tous ces griots n’ont pas le courage de dire c’est que ce pays est victime aussi de l’action humaine mieux de « la férocité blanche ».

On a endetté le peuple africain d’Haïti pour engraisser les dictateurs qui se sont succédé à sa tête. Le pays est ainsi appauvri et nombreuses sont ces personnes qui doivent leur survie en jetant leur dévolu sur un gâteau de boue légèrement mixé au beurre. Malgré cette situation infra-humaine, le FMI, la Banque Mondiale et autre Club de Paris ainsi que toute leur horde de vampires soumettent en toute tranquillité ces populations au paiement du service de cette dette odieuse.

De plus, quand un gouvernement arrive avec un projet patriotique, les alliances se nouent entre la meute de loups haïtiens extravertis et égoïstes et leurs amis à l’extérieur pour le congédier du pouvoir. Il en est ainsi en 2004 du président Jean Bertrand Aristide que la France et les Etats-Unis principalement ont failli lyncher sous prétexte qu’il était un « dictateur ». Alors justement que Jean-Claude Duvalier, le vrai dictateur et kleptomane attitré, séjourne sans inquiétudes en France avec une fortune estimée par l’Office des Nations-unies contre la drogue et le crime entre 500 millions et 2 milliards de dollars volés dans les caisses de l’Etat haïtien après 29 ans de terreur de père en fils. Une bonne partie de cet argent est investie dans l’immobilier dans cette France là qui « pleure » aujourd’hui sur le sort de ce « pauvre peuple » qui plus est dans une situation d’occupation militaire camouflée sous une mission officielle se définissant bredi-breda comme une force destinée à « assurer un climat sûr et stable, à appuyer le processus politique en cours, à assister le Gouvernement d'Haïti dans le renforcement des institutions y compris celles de l'état de droit ainsi qu'à promouvoir et défendre les droits de l'homme ».

Il est temps de demander à la France de vendre les immeubles qui sont la propriété des Duvalier et remettre cet argent aux Haïtiens qui en ont plus que besoin actuellement. La Suisse doit elle aussi livrer les fonds volés et les intérêts qu’ils ont généré depuis 30 ans aux Haïtiens. Le véritable secours passe par là et non par une fausse et propagandiste générosité. La dette de ce pays doit être annulée impérativement afin que le peuple soit soulagé un tant soit peu de ce fardeau. Ça suffit la tonte ! Il faudra aussi laisser les Haïtiens décider de leur système politique en fonction de leurs intérêts au lieu de les harceler incessamment et de décider constamment à leur place. Toutes les injustices et autres escroqueries tels les dédommagements pour perte de cette colonie dont la France a bénéficié doivent être réparées. Bref, il faudra permettre à ce peuple de mieux appréhender son avenir tout en répondant à ses besoins actuels.

Quant à l’Afrique, il faut d’une part que les tyrans débloquent une partie de leur pillage pour venir en aide à notre peuple en Haïti. Que ceux qui veulent qu’on « sauve » Haïti exigent de la part des tyrans africains une contribution. Qu’ils appellent au démantèlement de leurs comptes bancaires numérotés, à la vente de leur immobilier en France, en Suisse, en Belgique, aux Etats Unis et ailleurs pour mettre cet argent au service d’une partie de notre peuple aujourd’hui sinistrée gravement. Il faut, en fin, que les panafricanistes s’organisent ici et maintenant en créant des structures de soutien et de collecte de dons dans tous les pays en direction de notre peuple en Haïti. Les médecins au sein de la diaspora doivent se mobiliser. Tous, en Haïti pour sortir notre peuple des décombres et aider à ensevelir les morts puis à reconstruire le pays. C’est un devoir impératif. Ce n’est que comme ça que nous aurons maintenu le minimum de dignité qui nous reste. Sinon, un peuple qui abandonne les siens aux bons soins des autres est un peuple mort!

mercredi 6 janvier 2010

Sylvanus Olympio : Refusons à tout prix la profanation de sa mémoire.

07 janvier 2010

Rodrigue KPOGLI
Web. http://lajuda.blogspot.com



La dernière chose qu’un peuple puisse accepter de perdre est l’honneur. Dans la longue liste que l’on peut consacrer à ce mot, il existe la fierté de compter des hommes de qualité ou d’en avoir eu au sein de l’histoire de son peuple. Dans le parcours de l’appendice colonial que demeure le Togo, Sylvanus Olympio figure en bonne position. Patriote et humaniste, ce grand homme a fortement contribué à l’érection d’un esprit indépendantiste et panafricaniste au Togo. Froidement assassiné le 13 janvier 1963 par la France et son allié américain à travers les seconds couteaux, dont Eyadema Gnassingbe, la dépouille de Sylvanus Olympio repose aujourd’hui à Agoué, en territoire béninois.

Malgré que le corps du combattant de la liberté n’ait pas été autorisé sur la terre pour laquelle il a été tué, malgré la profanation systématique de sa mémoire de la part de ses bourreaux, ainsi que la suppression de son nom des manuels d’histoire du Togo depuis une cinquantaine d’années, son âme et ses idées restent encore présentes dans tous les esprits. Depuis quelques années, plusieurs voix se sont élevées pour demander le rapatriement de la dépouille de l’homme, ainsi que l’organisation de funérailles dignes de son rang. Aujourd’hui, Faure Gnassingbe – en quête d’un sujet véritablement populaire - semble avoir perçu cet écho et tente de s’accaparer la mémoire du martyr à des fins plus politico-médiatiques et électoralistes que sincères. Dans ce qu’il a appelé les « vœux à la Nation », il annonçait que son régime allait «se mettre en relation avec la famille, et prendre les dispositions nécessaires pour le retour au Togo des restes du président Sylvanus Olympio, premier président du Togo, afin que la Nation lui rende les honneurs dus à son rang » .

Pourquoi subitement une telle bonté de la part d’un fils-à-papa imposé à la tête du Togo ? Conscient de n’avoir jamais reçu l’onction populaire et de n’avoir pas non plus réussi à gagner la sympathie des Togolais sinistrés, Faure Gnassingbe cherche l’action grandiose. Un acte qui puisse, espère-t-il, lui servir de caution dans un futur proche.

En vérité, cette opération est une récupération démagogique et malsaine qui s’inscrit dans un vaste plan de communication pour justifier la fraude électorale en préparation. A la veille de ce nouveau hold-up, orchestré par les cellules françafricaines et avec le soutien de la Chine, la stratégie consiste à justifier une bénédiction populaire par tous les moyens. Conscient du souhait émis de façon unanime par le peuple togolais, de voir les restes de leur digne fils revenir au pays, les services de communication ont recommandé à leur pupille d’abonder dans ce sens. Ainsi, lorsqu’il aura annoncé ce projet, il aura le profil d’un rassembleur, d’un homme au diapason du peuple et d’un dirigeant réconciliateur. Il vendra donc cette image aussi bien à l’intérieur qu’à l’international.

Mais ce coup-là ne doit pas passer. Et cela doit être clair, ferme et définitif. Parce qu’il est inacceptable qu’un homme de la trempe de Sylvanus Olympio puisse être récupéré par Faure Gnassingbe, anti-modèle par excellence et incarnation de tout ce contre quoi Olympio s’est battu jusqu’à la mort. Cette opposition, nous devons la construire de façon systématique car, le but de la manœuvre n’est pas de réhabiliter le panafricaniste, mais bien de le souiller et de lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien : la couverture d’une victoire volée et une fois encore le viol d’un peuple.

Faure Gnassingbe, qui tente visiblement de capter l’aura du personnage pour savourer une victoire qu’il n’aura jamais remporté en réalité, n’est pas digne de s’approcher de Sylvanus Olympio. Lui qui n’est pas l’émanation du peuple, a massacré des centaines de personnes à son accession au pouvoir en 2005, et en a envoyé des dizaines de milliers d’autres en exil. Il est la continuation du colonialisme qui a liquidé Sylvanus Olympio et son projet d’émancipation du Togo. Ce pseudo-hommage, du vice à la vertu, n’est ni plus ni moins qu’une provocation supplémentaire. Les restes de Sylvanus Olympio sont l’une des rares richesses qui n’aient pas encore été extorquées à ce peuple. Il faut donc les préserver.

S’il est exact de dire que Faure Gnassingbe n’est que le fils d’un des exécuteurs d’Olympio, et que par conséquent nul ne peut lui imputer la responsabilité des actes de son feu-père, il n’en demeure pas moins juste d’affirmer que le fils avance jusqu’ici dans les traces de son géniteur, à qui il doit d’ailleurs ce qu’il est aujourd’hui. De surcroît, Faure Gnassingbe et sa bande de ménestrels continuent en toute tranquillité de célébrer avec faste le 13 janvier, date anniversaire de l’assassinat de Olympio, qui fut instaurée et imposée par Eyadema Gnassingbe comme une « libération nationale ». Cette même logique d’intervertir les bornes de l’Histoire, et de brouiller volontairement les évènements, se retrouve aujourd’hui chez le successeur de « papa Eyadema », qui avait décidé cyniquement de faire resurgir la date du 27 avril longtemps bannie, comme « jour de l’Indépendance ». En donnant le sentiment de s’inscrire dans la « convention collective » du 27 avril, Faure Gnassingbe fait d’une pierre deux coups. Il célèbre par la même occasion et discrètement sa propre arrivée au pouvoir par le biais d’un sanglant braquage électoral.

Alors que sa présence au pouvoir est justement le symbole-même de la non-indépendance du territoire togolais, et de son ancrage dans les méandres de l’a-souveraineté la plus humiliante, Faure Gnassingbe pousse le mépris à son paroxysme pour actuellement travailler à la célébration de ce qu’il nomme « le jubilé d’or » en avril prochain, se persuadant qu’il aura été le vainqueur du sinistre attrape-nigauds de février 2010.

Les Togolais n’ont plus rien. Tout leur a été volé et confisqué. Tout a été souillé. La seule chose qui leur reste de la période de la lutte pour l’indépendance, c’est la dépouille de Sylvanus Olympio. Et elle doit rester intouchable. Surtout, elle ne doit pas être instrumentalisée par un régime sans scrupules qui incarne le prolongement de tout ce qu’a combattu ce vaillant homme, dont la valeur inspire aujourd’hui beaucoup de jeunes, à qui pourtant il a été dissimulé depuis bientôt 50 ans. D’ailleurs, Sylvanus Olympio, n’appartient plus uniquement ni à la famille Olympio, ni aux Togolais. Il fait bel et bien partie du patrimoine collectif africain, que les héritiers consciencieux des grands hommes africains assassinés cherchent aujourd’hui à reconstituer, alors qu’il a subi d’énormes dégâts depuis des siècles de domination, y compris de la part de la nouvelle génération de régisseurs coloniaux dont fait partie Faure Gnassingbe. Tous les africains éveillés doivent en toute logique se sentir concernés par cette récupération malsaine annoncée au Togo. Sinon, il s’agirait d’une incapacité collective à identifier ce qui est de notre patrimoine commun, qu’un tyran assassin à l’instar de Mobutu ait pu anéantir Lumumba avant de se permettre de l’humilier davantage en l’élevant au rang de Héros National. La même incapacité n’a-t-elle pas joué à propos de Félix Moumié dont dépouille été volée en 2004 en Guinée sous les ordres de Mvondo Paul Biya et de Pierre Mesmer dans une indifférence absolue ?

Encore une fois, Faure Gnassingbe en compagnie de ce qu’il appelle son « gouvernement », n’est pas du tout qualifié en ce qui concerne la réhabilitation de l’ancien président. Il est même disqualifié d’office quant à l’organisation de cette œuvre d’une très haute portée historique. En outre, à travers l’idéal panafricain qui était le sien, la terre béninoise est aussi la terre de Sylvanus Olympio. Il peut dormir là en attendant que triomphe la lutte pour laquelle il est tombé. Et une fois la véritable indépendance du Togo concrétisée par un minimum de réalisations - un gouvernement issu du choix populaire, l’éjection du franc CFA, l’endiguement du pouvoir de nuisance français au Togo et un début de satisfaction des besoins primaires du peuple togolais à travers une agriculture modernisée comme moteur de base - eh bien, à ce moment-là seulement, on pourra rapatrier la dépouille de Sylvanus Olympio et lui offrir les honneurs dus à son statut avec le soutien de tous ceux qui travaillent pour l’avènement d’une Afrique unie, affranchie et répondant aux vrais besoins de ses enfants. A ce moment-là aussi, il sera enseigné dans les écoles, son nom sera gravé sur le fronton de certaines infrastructures (écoles, universités, aéroports, rues, stades, etc.), des monuments seront érigés en sa mémoire, ces discours seront vulgarisés au travers des médias publics, et les témoins de son époque pourront enfin avoir la parole et raconter ce qu’a été le mouvement vers l’indépendance interrompu dans la violence le 13 janvier 1963.

Cette époque fera ressortir des noms que le colonialisme et ses adeptes locaux ont enfouis. Ces héros de la nuit vont ressurgir, et leurs noms seront apposés aux rues et autres avenues et boulevards, qui jusqu’ici ne font que l’apologie de ceux qui en réalité ont tué la volonté d’éclosion de notre peuple. Un peuple qui a été réduit en hommes et femmes éclopés, privé depuis lors de son histoire, la dénaturant tout en lui cachant la vraie version.

Laisser Olympio aux bons soins des bras locaux du néocolonialisme, c’est accepter d’être complice de son second assassinat. En participant ainsi à son injure, nous verrions la perte définitive du peu de l’honneur qui nous reste.